Théâtre de la dé-génération

Que se passe-t-il quand la génération en place ne veut pas passer le relais ? Qu’advient-il quand le poids de l’héritage est trop lourd à porter ? Qu’il n’y a plus d’espace où croître ? Qu’est-ce qu’une civilisation qui ne désire plus l’avènement de sa jeunesse ? Ces questionnements taraudent en profondeur notre époque. Il est une figure à laquelle on ne prête pas encore toute notre attention : celle du parent qui tue l’enfant, une forme d’anti-Œdipe. Il en est une autre qui lui répond : celle de l’enfant étouffé. Ce phénomène de la « dé-géneration » qui s’affirme aujourd’hui, notamment avec le vieillissement de la population, irrigue depuis toujours la littérature dramatique.

Nous proposons de plonger dans les questionnements que la dé-génération soulève au travers d’un corpus d’œuvres, large et hétérogène, qui nous animent tant : Antigone de Sophocle, Hamlet et Le Roi Lear de Shakespeare, La vie est un songe de Calderón, Les Femmes savantes de Molière, Andromaque de Racine, La Mouette de Tchekhov, L’Échange de Claudel, Victor ou les enfants au pouvoir de Vitrac, La Panoplie du squelette d’Olivier Py... Ce sont des pièces puissantes, foisonnantes et très différentes dans leurs ambitions poétiques ainsi que dans leur conception.

Depuis plusieurs stages déjà, nous concevons ces moments privilégiés comme des ateliers de pratique et d’expérimentation. Ce sont les auteurs et leurs œuvres qui nous poussent à essayer de formuler une réponse aux questions spécifiques qu’ils soulèvent pour l’interprétation. Il s’agira donc d’une plongée dans des œuvres majeures avec une idée derrière la tête : l’une peut éclairer l’autre et vice versa. Le travail sur des œuvres aux intentions poétiques très distinctes, voire opposées, nous mènera à des outils techniques qui peuvent être comparés. Des outils et non une méthode : nous voulons proposer une pratique ouverte plutôt qu’une esthétique. Nous travaillerons sur la présence et la sensation, sur l’étonnement. Autant de manières d’aller conquérir deux vertus essentielles de l’interprétation : l’ivresse et l’exactitude.

Nous tenons à mener un stage boulimique avec un grand volume de scènes : le champ de notre répertoire est ouvert. Les stagiaires proposent les scènes qu’ils veulent jouer, leur désir est premier. Nous souhaitons ainsi nous mettre au service de la relation qui lie l’acteur et l’auteur.

Clément Poirée et Bruno Blairet

Intervenants